“ Un des rares instruments Verschneider à 3 claviers ”
C’est en 1873 que la paroisse de Giromagny commanda aux facteurs mosellans Verschneider et Krempf de Rémering-lès-Puttelange un instrument pour la nouvelle et grande église érigée et achevée en 1862. Les Verschneider construisirent de nombreux instruments dans l’arrondissement de Belfort avant qu’il ne devienne le Territoire de Belfort mais l’orgue de Giromagny est le plus important avec ses trois claviers et pédalier.
Le marché du 21 mars 1873 s’élevait à 16 000 francs avec une composition de 28 jeux. L’orgue fut inauguré le 24 juin 1874, jour de la Saint -Jean-Baptiste.
Moins de trente ans après sa construction, l’instrument fait l’objet d’une première transformation, commandée au facteur Henry Didier d’Épinal, lequel a déjà travaillé à Lepuix-Gy, à côté de Giromagny en 1894. Les travaux d’Henry Didier sont probablement réalisés début 1902. A cette occasion, il installe une console indépendante, tournée vers le chœur, en remplacement de la console en fenêtre. Il dote l’orgue d’un pédalier de 30 notes, dont les 12 dernières en tirasse seulement. D’autres modifications comme le rehaussement d’un mètre de la façade du buffet, suite au déplacement de la console et de la reconstruction partielle de la mécanique n’altère en rien l’esthétique initiale de l’instrument.
Un ventilateur électrique fut posé en 1924. On jugea ensuite que la tribune était trop grande et, en 1928, on la raccourcit de l’équivalent d’une travée, soit sa dimension actuelle. Les piliers de soutènement jugés peu esthétiques furent supprimés : l’orgue fut entièrement démonté afin de pouvoir le reculer sur la tribune mais il fallut vite rétablir les piliers pour supporter le poids de l’instrument. C’est probablement à ce moment-là que le positif postiche mentionné dans le devis initial fut supprimé.
L’orgue subit la transformation la plus lourde durant la Seconde Guerre mondiale, comme l’atteste une étiquette imprimée de Louis Georgel, au fond de la laye du sommier de pédale, côté ut : une mention manuscrite de la main de Georgel, précise que les travaux ont été réalisés en mars 1941 « pendant l’occupation Allemande ». Georgel supprima un jeu d’anche du Grand Orgue et y plaça une Quinte 2 2/3. Il déplaça la Trompette du Positif au Récit, à la place du Cor Anglais pour y mettre un Nazard 2 2/3. Il ajouta une boîte expressive au positif mais également une chape pour deux jeux de Doublette et de Tierce 1 3/5. Le pédalier subit lui aussi une transformation importante : pour avoir une pédale réelle de 30 notes, les trois jeux de seize pieds furent utilisés en extension en huit pieds, grâce à des sommiers complémentaires pneumatiques.
Vers 1960, Raymond Dominique intervint sur l’instrument afin d’y effectuer quelques menus travaux d’entretien. Dans les années 1970, des travaux de restauration de la voûte de l’église située au-dessus de l’orgue furent effectués sans aucune protection de l’instrument. Encombré par des gravats, l’orgue devint injouable et fut abandonné au profit d’un instrument électronique.
Vers 1988, un premier projet de création d’une association pour la restauration de cet instrument fut envisagé mais n’aboutit point.
Durant l’été 2001 quelques amateurs passionnés décident de nettoyer l’instrument et d’accorder ce qui pouvait l’être. Soutenus par Orgalie et sa présidente d’alors Anne-Marie Scherrer, ces bénévoles sont à l’origine de la création de l’Association des Amis de l’orgue de Giromagny, fondée le 16 novembre 2001. Après deux autres étés de travail intense, on peut à nouveau entendre cet orgue en concert. Parallèlement les chœurs grégoriens de Giromagny, créés en 2003 et dirigés par Jean Jacques Griesser, organiste et président de l’association commencent à donner des concerts au profit de la restauration de l’orgue. En 2006, une souscription est lancée afin de récolter des dons auprès du public.
C’est en 2013 que l’orgue est déclaré « immeuble par destination » par les services de l’évêché, avec l’accord de la paroisse. Le Conseil municipal en délibère et acte l’entrée de l’orgue dans le patrimoine communal.
Le Conseil municipal de Giromagny et le Maire Jacques Colin décident alors la restauration de cet élément important du patrimoine communal. La commune sera maître d’ouvrage de l’opération.
En 2014, Christian Lutz, technicien-conseil pour les orgues auprès des Monuments Historiques est mandaté par la commune pour effectuer une étude préalable, proposer des schémas de restauration et évaluer les coûts. Le dossier est déposé auprès de la Commission Nationale des Monuments Historiques qui, le 3 août 2015, classe l’orgue en totalité, buffet et instrument. Une autorisation de travaux est alors demandée par la commune à la DRAC de Bourgogne Franche Comté.
Le 6 juin 2016, Le Prince Albert II de Monaco, en visite dans le Territoire de Belfort et sur les territoires historiques du Rosemont, de Belfort et d’Alsace est reçu par la commune de Giromagny. Dans l’église Saint-Jean-Baptiste, Il découvre l’orgue Verschneider et les chœurs grégoriens de Giromagny sous la direction de Jean-Jacques Griesser.
Le 20 juin 2016, les membres de la Commission Nationale des Monuments Historiques émettent un avis favorable à la restauration de l’orgue de Giromagny, dans son état Verschneider et Krempf de 1874. Ils autorisent l’extension de la Pédale à 27 notes et l’ajout d’une tirasse Grand-Orgue. Un appel d’offre est lancé. Cinq facteurs d’orgues répondent favorablement ; La commission d’appel d’offres communale porte son choix sur l’entreprise du Maître Facteur d’Orgues Hubert Brayé de Mortzwiller, entreprise mieux disante. La maîtrise d’œuvre est confiée à Christian Lutz.
Le 23 juin 2017, le conseil municipal de Giromagny adopte le plan de financement et autorise le maire à signer le marché avec l’entreprise Brayé. Les notifications de subvention arrivent en fin d’été 2017. Le Maire Jacques Colin signe alors l’ordre de service N° 1 le 16 octobre 2017.
L’orgue est entièrement démonté dès le 23 octobre 2017 et transporté à Mortzwiller pour une révision totale. Au fur et à mesure du chantier, l’instrument est remonté dans l’atelier puis à nouveau démonté pour être réinstallé, à partir de janvier 2019 sur la tribune de l’église Saint-Jean -Baptiste. Le travail se termine à la fin du mois de juin : la réception des travaux a lieu le mercredi 3 juillet 2019, en présence d’une trentaine de personnes, toutes émerveillées en découvrant la riche palette sonore de l’orgue restauré et la qualité du travail effectué par Hubert Brayé et son équipe.
L’inauguration a lieu le 01 septembre 2019 : à 10 heures, Monseigneur Dominique Blanchet, Evêque du Diocèse de Belfort-Montbéliard, bénit l’instrument et préside l’office accompagné à l’orgue par Marie-Ange Leurent et Eric Lebrun. Ce sont les mêmes organistes qui assurent le concert d’inauguration, à 17 heures, avec le Chœur « Canta Nova Saar » de Saarbrücken dirigé par Bernhard Schmidt. Cette manifestation, inscrite dans la saison musicale du Festival de Masevaux a permis à quelques 600 auditeurs de découvrir les sonorités attachantes de cet instrument dans un répertoire particulièrement adapté de compositeurs des XIXème et XXe siècles. On a pu noter la présence de S.E. Monsieur Christophe Steiner, Ambassadeur de Monaco en France, Madame la directrice de cabinet de madame la Préfète du Territoire de Belfort, monsieur le Député, Michel Zumkeller, monsieur le sénateur, Cédric Perrin, monsieur le Président du Département, Florian Bouquet. Le concert a été projeté sur écran géant : le diaporama, conçu par Thierry Marline, membre des Amis de l’orgue, a été particulièrement apprécié : en effet il mettait en valeur, plus de mille photos prises pendant toute la durée des travaux de restauration.
Deux autres concerts d’inauguration ont suivi : le 15 septembre avec les Chœurs Grégoriens et Jean Jacques Griesser à l’orgue puis le 13 octobre avec Cécile Bohlinger et le duo Bicinium : Laurent Schmit et Cäcilia Boyer.
Extraits du concert inaugural du 1er septembre 2019
Il aura fallu presque 20 ans pour réaliser ce projet dont le coût total s’élève à 347 000 € HT, maîtrise d’œuvre et travaux annexes à la tribune compris.
L’orgue se fait entendre désormais dans le cadre cultuel et dans les différentes saisons de concerts. En croyant à cette véritable résurrection, les différents acteurs locaux, départementaux et régionaux, les partenaires institutionnels et commerciaux, les donateurs privés, les musiciens ont œuvré pour la sauvegarde d’un précieux Patrimoine. Qu’ils soient ici remerciés.
I Positif (54 notes, C-f’’’)
Bourdon 8
Keurolophone 8
Salicional 8
Dulciana 4
Trompette 8
II Grand-orgue (54 notes, C-f’’’)
Bourdon 16
Montre 8
Clarabella 8
Gambe 8
Prestant 4
Doublette 2
Plein-Jeu 3-4 rgs
Euphone 16
Trompette 8
Clairon 4
III Récit expressif (42 notes, c-f’’’)
Flûte harmonique 8
Viole de Gambe 8
Voix céleste 8
Flûte octaviante 4
Basson-Hautbois 8
Voix humaine 8
Cor anglais 8
Pédale (27 notes, C-d’)
Flûte 16
Contrebasse 16
Flûte 8
Violoncelle 8
Bombarde 16
Trompette 8
Accouplement I/II
Tirasse II/P
Appel d’anches (Trompette 8 et Clairon 4 du
grand-orgue)
Retrait des anches
Trémolo